Les clauses d’exclusion dans les SAS
26 janvier 2023
Le régime des clauses d’exclusion prévues dans les statuts de SAS est déclaré conforme à la Constitution.
Saisi par la Cour de cassation de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a déclaré, le 9 décembre 2022, les articles L.227-16 et L.227-19 du Code de Commerce, organisant le régime des clauses d’exclusion des SAS, conformes à la Constitution.
1. Contexte juridique
Avant 2019, dans les SAS, les décisions d’adoption et la modification des clauses statutaires d’exclusion ne pouvaient être prises qu’à l’unanimité des associés.
Depuis le 19 juillet 2019, et la loi dite loi « Soilihi », l’article L.227-19 du Code de commerce a été modifié afin de permettre l’adoption ou la modification de clauses statutaires d’exclusion (article L.227-16 du Code de commerce) par une décision de la collectivité des associés dans les conditions et formes prévues librement par les statuts.
2. Enjeu juridique
Droit de propriété (constitutionnellement protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (la « DDHC ») versus clause d’exclusion imposée à un associé minoritaire d’une SAS.
3. Décision du Conseil constitutionnel
Les sages du Conseil rappellent d’abord que nul ne peut être privé de son droit de propriété, autrement que dans les conditions posées par l’article 17 de la DDHC.
Ils rappellent également que dans l’hypothèse où il n’y aurait pas strictement une privation de ce droit de propriété au sens de cet article, l’article 2 de la DDHC impose, en tout état de cause, que toutes atteintes portées à ce droit soient justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi.
Le Conseil a donc recherché si (i) les articles L.227-19 du Code de commerce et L.227-16 du Code de commerce sont susceptibles de priver un actionnaire de son droit de propriété, et, à défaut, (ii) si les atteintes portées à ce droit par ces articles sont bien justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi.
Sur la privation de liberté : Le Conseil constitutionnel explique laconiquement que « s'il en résulte [de ces dispositions] qu'un associé peut être contraint de céder ses actions, elles n'entraînent donc pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ».
Sur les atteintes au droit de propriété justifiées par un motif d'intérêt général : le Conseil constitutionnel s’attache à l’esprit du législateur et aux travaux préparatoires de la Loi Soilihi, en expliquant que ce dernier a entendu garantir la cohésion de l’actionnariat et assurer la poursuite de l’activité des SAS concernées, en cherchant à éviter les situations de blocage au sein de l’actionnariat d’une SAS. Le Conseil constitutionnel explique que le législateur a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général.
Sur le caractère proportionné à l’objectif poursuivi de l’atteinte au droit de propriété : le Conseil constitutionnel s’appuie sur trois arguments, lui permettant d’affirmer que les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété :
Argument procédural : la décision d'exclure un associé ne peut être prise qu'à la suite d'une procédure prévue par les statuts. Elle doit reposer sur un motif, stipulé par ces statuts, conforme à l'intérêt social et à l'ordre public, et ne pas être abusive.
Argument économique : l'exclusion de l'associé donne lieu au rachat de ses actions à un prix de cession fixé, selon l'article L. 227-18 du code de commerce, en application de modalités prévues par les statuts de la société, ou, à défaut, soit par un accord entre les parties, soit par un expert désigné dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil.
Argument judiciaire : la décision d'exclusion peut être contestée par l'associé devant le juge, auquel il revient alors de s'assurer de la réalité et de la gravité du motif retenu. L'associé peut également contester le prix de cession de ses actions.
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